Obligations de la loi SRU et réalités locales : Le conseil d’état encadre strictement les dérogations.

30/07/21 | Actualité de l'aménagement

La construction de logements sociaux au titre de la loi SRU strictement encadrée.

Publié le 29 juillet 2021par Jean-Noël Escudié / P2C pour Localtis
Aménagement et foncier, urbanisme, Logement

Un arrêt du Conseil d’État établit qu’une commune demandant à pouvoir déroger aux obligations de la loi SRU en matière de réalisation de logements sociaux doit être en mesure de prouver qu’elle a tout mis en œuvre pour atteindre ses objectifs.

loi SRU

© Géoportail

Dans un arrêt du 2 juillet 2021, le Conseil d’État annule un jugement de la cour administrative d’appel (CAA) de Versailles, rendu le 20 juin 2019. Celui-ci donnait raison à la ville de Neuilly (Hauts-de-Seine), qui contestait les sanctions financières infligées pour n’avoir pas atteint (à seulement 49%) les objectifs de rattrapage de logements sociaux fixés par le préfet et le ministre du Logement (voir notre article du 4 septembre 2019). La CAA de Versailles avait alors retenu les arguments avancés par la ville de Neuilly, qui mettait notamment en avant la rareté du foncier disponible sur son territoire et l’épuisement du réservoir de logements potentiellement indignes – effectivement assez peu répandus à Neuilly –, susceptibles d’être conventionnés au titre du logement social après rénovation. La CAA avait considéré que « l’État n’établit pas notamment que cette commune aurait disposé de 300 à 320 logements susceptibles d’être réhabilités ».

Les dérogations sont possibles…

Dans sa décision du 2 juillet annulant le jugement de la CAA, le Conseil d’État prend une position très différente. Après avoir rappelé le cadre juridique, le Conseil ne méconnaît certes pas les possibilités de dérogation. Ainsi, il rappelle que la commission départementale, saisie par une commune n’ayant pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, peut estimer, au vu des arguments présentés, que l’absence d’atteinte des objectifs s’explique par des raisons objectives.
Si la commission nationale, saisie par la commission départementale, estime à son tour que cette absence d’atteinte s’explique par des raisons objectives, elle peut elle-même soumettre au ministre du Logement une recommandation tendant à aménager les obligations prévues. Le ministre apprécie alors, au vu des circonstances ayant prévalu au cours de la période triennale considérée et sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si des raisons objectives justifient que la commune n’ait pas respecté l’obligation résultant des objectifs fixés pour cette période. Dans l’affirmative, il peut modifier les obligations de la période triennale en cours à la date à laquelle il se prononce ou, s’ils sont déjà fixés, ceux d’une période ultérieure.

… mais affirmer ne suffit pas, il faut prouver avoir tout mis en œuvre

Mais le Conseil d’État encadre strictement cette procédure ou, plus précisément, les arguments qui peuvent être avancés par une commune à l’appui de sa demande. Il considère en effet qu’en jugeant recevables les arguments de la commune, « alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la commune de Neuilly-sur-Seine n’avait, au cours de la période triennale en litige, pas de programme local de l’habitat et n’avait, avant cette période ou au cours de celle-ci, ni modifié ni révisé son plan local d’urbanisme en vue de favoriser le logement social, que la rareté du foncier et le coût consécutivement élevé de la construction constituaient des raisons objectives susceptibles de faire obstacle au respect des obligations prévues à l’article L.302-8 du code de la construction et de l’habitation, sans rechercher si les raisons invoquées par la commune ne résultaient pas, pour une large part, de choix opérés par elle, la cour a commis une erreur de droit ».
Estimant qu’il y a lieu, en l’espèce, de régler l’affaire au fond, le Conseil d’État approfondit ce raisonnement dans sa décision. Il relève ainsi que la commune n’avait pas de PLH depuis la fin d’un précédent PLH en 1999, soit six ans avant la période triennale considérée (2005-2007). De même, n’ayant ni modifié, ni révisé ses documents d’urbanisme au cours de la période triennale considérée et avant celle-ci, Neuilly n’a notamment « jamais inscrit d’emplacement réservé au logement social dans son plan d’occupation des sols ou son plan local d’urbanisme, ni imposé de quota minimum de logements sociaux aux programmes immobiliers, s’étant bornée à adopter la faculté légale de majoration du coefficient d’occupation des sols pour la construction de logements sociaux ».
Enfin, « il ne ressort pas des pièces du dossier que l’existence, sur le territoire de la commune requérante, de terrains inondables inconstructibles [Neuilly étant située sur la rive de la Seine, ndlr] soit de nature à justifier l’absence d’atteinte des objectifs de réalisation de logements sociaux sur la même période ».
Avec cette décision du Conseil d’État, il est désormais clair qu’une commune ne peut se contenter d’invoquer des « raisons objectives » pour justifier ne n’avoir pas atteint ses objectifs triennaux de logement social. Son action sur la période considérée doit attester qu’elle a effectivement tout mis en œuvre pour atteindre ses objectifs. C’est seulement alors qu’elle pourra faire valoir que ces efforts n’ont pas permis de les atteindre.

Eric RAIMONDEAU

Eric RAIMONDEAU

Gérant de l'agence UTOPIES URBAINES

J’ai créé l’agence Utopies Urbainespour partager mon expertise et la transmettre au travers des expériences que j’ai pu acquérir en direction des élus locaux mais aussi  des fonctionnaires des communes ou intercommunalités lors de sessions de la formation continue ou initiale. Ce site veut aussi être un relais pour des offres d’emploi proposées par les collectivités territoriales.

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