Moins d’immeubles et de centres commerciaux surdimensionnés. Plus de liens. Le philosophe Thierry Paquot décrit ce qui permettrait de doter les agglomérations d’une « habitabilité joyeuse ». Interview à l’occasion de la matinée de conférence « Qu’est-ce qu’une ville à taille humaine ? » organisée par « Le Monde Cities » le 16 décembre.
Auteur de Mesure et démesure des villes (CNRS Edition 2020), le philosophe Thierry Paquot, livre sa conception d’une cité « qui ménage les lieux, les gens, le vivant ».
La pandémie a-t-elle ébranlé le dogme de la ville dense ?
Oui, même si ce ne sont pas les lieux particulièrement peuplés qui ont été les plus touchés par le Covid-19, mais ceux dont l’intensité relationnelle s’avérait importante. Déjà, à la fin du XIXe siècle, la densité est dénoncée par les hygiénistes, qui l’associent à la promiscuité, à la surpopulation, aux logements mal aérés, et la considèrent responsable des principaux fléaux urbains que sont alors la tuberculose, le choléra, l’alcoolisme et la syphilis… Le mieux-vivre urbain vise une écologie des territoires où s’entremêlent d’autres critères que le nombre d’habitants à l’hectare.
Le « big is beautiful » arrive-t-il en fin de course ?
Je l’espère ! Le « plus gros » est rarement le plus efficient, et ce dans tous les domaines ! L’immeuble de hauteur écrase le piéton et crée une ambiance anxiogène, il est énergivore et inurbain et doit être évité. Tout comme le centre commercial surdimensionné, l’aéroport démesuré qui fleurissent dans les métropoles françaises et les mégalopoles dans le monde. Il y a une absurde fascination pour ces unités urbaines congestionnées, surconsommatrices de sol, stressantes, ségréguées, bétonnées, qui ne possèdent que quelques jours d’autonomie alimentaire ! Il est urgent de les réduire et de les doter d’une habitabilité joyeuse, en ménageant les lieux, les gens, le vivant…Lire aussi Valence piétonnise ses places à la demande des riverains
Une ville soutenable, faisant une place à la nature, va-t-elle de pair avec une ville peu dense ?
Aucune ville ne peut répondre, seule, aux exigences environnementales, nous devons privilégier une approche territoriale, valoriser les complémentarités villes/campagnes, expérimenter des biorégions. Le productivisme a généré des « non-villes » et des « non-campagnes », tout comme il a précarisé les territoires après avoir précarisé les emplois. La biorégion – assemblage de villes, villages, hameaux – reposera sur la décentralisation, la coopération, l’autogestion, la solidarité et l’hospitalité, d’où, vraisemblablement, une population certes d’une grande diversité, mais limitée en nombre.
Existe-t-il une juste taille de la ville ? Une juste densité ?
Non, il n’existe pas de modèle standard à reproduire. Tout territoire est singulier et réclame du cas par cas, du sur-mesure et du « faire avec » les habitants et le vivant. La cité-jardin, née il y a plus de cent ans, est, à mon avis, à revisiter : elle est à « taille humaine » sans pour autant être repliée sur elle-même…Lire aussi A Milan, dans la plus grande zone à trafic limité d’Europe
La « ville du quart d’heure » est-elle cette ville humaine ? La crise n’oblige-t-elle pas à redonner force à la proximité ?
Ce slogan n’a aucun intérêt et correspond à l’idéologie productiviste où tout est quantifié, rationalisé, chronométré. Les études abondent sur la vie quotidienne, les bureaux et banques du temps, l’amélioration des horaires des services publics, le télétravail, les rythmes scolaires, la lutte contre les activités chronophages, la saisonnalité, le jour et la nuit, la lenteur, la flânerie, l’approche genrée du temps… Elles sont méconnues, et les « politiques » s’enthousiasment pour une formule creuse qu’ils imaginent « magique ». Chaque Terrien combine les territorialités et les temporalités de son existence pour dessiner sa géographie affective. La proximité ne le concerne pas vraiment, il préfère la familiarité, la connivence, la surprise, le possible.Lire aussi Qu’est-ce qu’une ville à taille humaine ?
Quelles devraient être les qualités de la ville ? Qu’est-ce qui contribue à la qualité de vie en ville ?
L’esprit des villes résulte de l’heureuse combinaison de l’urbanité (la politesse, l’accueil d’autrui, le partage…), de la diversité …..
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