Il y a nécessité de desservir de façon homogène tous les territoires de l’Espace lémanique

9/10/25 | Chronique de l’aménagement urbain

Par les associations ALPrail et LEX 2050, partenaires et représentées par Antoine JAQUENOUD, Bernard LENSEL, Kevin TABOADA de la FUENTE et Alain MAYAUD – Espace lémanique

Après le RER de la Région parisienne, le premier réseau express régional qui fonctionne dans l’Hexagone est bien celui du Léman Express (ou LEX), qui a la caractéristique d’être franco-suisse et de mettre en relation des territoires qui n’avaient auparavant qu’une faible interconnexion.

Le principe même d’un réseau express régional est d’être pertinent sur des territoires complémentaires, denses et moins denses, de fonctionner en boucle et de comporter des interfaces multimodales : le succès du RER parisien est évidemment dû à cette polyvalence, à la mise en complémentarité de réseaux urbains et péri-urbains, à l’établissement d’étoiles ferroviaires emblématiques comme la station Châtelet-Les Halles, La Défense ou la gare de Lyon ou celle de Massy, l’aéroport de Roissy.

Dans le même esprit, nos travaux sur le réseau actuel du LEX aboutissent à définir 5 étoiles ferroviaires structurantes à l’échelle du Grand Genève, réparties entre Suisse et France, soit, par ordre alphabétique Annemasse, Bellegarde/Valserhône, Genève/Cornavin, La Roche sur Foron et Nyon.

Le succès indéniable du réseau du LEX, avec plus de 80 000 voyageurs/jour au lieu des 50 000 voyageurs/jour escomptés et la nécessité d’établir des liaisons multimodales avec les territoires voisins du Grand Genève nous incitent à raisonner sur un espace plus large et sur des bouclages complets pour mieux drainer ces territoires.

Le schéma ci-dessous met en valeur les liaisons à établir côté France, notamment entre Besançon, Dijon, Paris, Bourg en Bresse, Mâcon, Lyon, Valence, Chambéry et Annecy :

Ce maillage est très complet, puisqu’il concerne la partie Nord de Rhône-Alpes, ainsi que le Sud de la Franche Comté et de la Bourgogne. Il permet également de relever 5 grosses lacunes que comporte le réseau ferroviaire côté France pour permettre un fonctionnement cohérent, soit :

  • La ligne du Pied du Jura, qui desservait l’ensemble du Pays de Gex, du Sud au Nord (Bellegarde/Valserhône à Divonne, sur un tracé de 42 km), manque fortement à ce rôle structurant maintenant qu’elle a été partiellement démontée, dans un territoire dont la démographie et le développement sont difficilement contrôlables, L’impact du « tout voiture » qui en résulte sur le Pays de Gex va s’amplifier en termes de pollution pour les territoires contigus et notamment pour Genève. La restitution d’un équipement ferroviaire dans le Pays de Gex pourrait permettre également une possibilité de transit parallèle entre Genève et Lausanne, en cas de saturation de la ligne de base.
  • La ligne de Léman Sud, entre Evian et Saint Gingolph, pose un problème comparable, avec la possibilité d’un doublement, le cas échéant, de la ligne Lausanne-Simplon ; la suppression de 17 km de voie ferrée le long de la rive la plus escarpée du Léman, côté français, crée une saturation permanente de la route et une rupture forte du bouclage ferroviaire dans la région transfrontalière des 3 Chablais : la frontière s’en trouve accentuée plutôt qu’estompée.
  • La ligne du Haut-Bugey permet le passage du Lyria, TGV qui relie Paris à Genève, par ce tracé depuis 2010. Mais les TER ne fonctionnent plus sur cette ligne alors que la compatibilité technique est facile à assurer. Le développement du LEX, jusqu’à Bellegarde/Valserhône en venant de Genève permettrait de prolonger la desserte des principales gares du Haut-Bugey jusqu’à la gare TGV de Nurieux-Volognat. Il ne s’agit là que d’une question de volonté politique et cela permettrait d’assurer le bouclage des territoires concernés avec Bourg en Bresse, donc Mâcon et Paris, Besançon, Strasbourg et Lyon.
  • Dans la suite du tracé du Haut-Bugey, la ligne Oyonnax-Saint Claude correspond à un maillon manquant pour les bouclages ferroviaires vers le département du Jura (ligne des Hirondelles qui rejoint Saint-Claude à Dôle sur un développé de 123 km) et vers le Canton de Vaud, avec la ligne Nyon-Saint Cergue-La Cure qui s’arrête à la frontière suisse : ces deux bouclages permettraient une relation très utile entre la ville industrielle d’Oyonnax et deux territoires à forts enjeux, avec d’une part la ligne Lyon-Strasbourg et d’autre part la ligne Genève-Lausanne-Simplon-Milan, en dédoublant le tracé du Lyria, plus au Sud.
  • La ligne ferroviaire qui relie Bellegarde/Valserhône à Lyon, via Culoz, donc la Michaille et la Chautagne, successivement, fonctionne, certes, mais la qualité de ses voies est très dégradée et, en complément de la ligne du Haut-Bugey, nécessite une mise en niveau urgente afin de répondre à des attentes qui vont du régional à l’international : cela vient en complément et non en opposition des 4 situations présentées en amont.
  • Pour être efficace dans la desserte d’un territoire, a fortiori très différencié en termes de relief, de peuplement et de développement, un système de mobilités se doit nécessairement d’être multimodal : ainsi, les transports légers de rabattement sur le réseau ferroviaire et la navigation lacustre apporteront une vraie complémentarité dans le désenclavement des secteurs isolés, indépendamment de la voiture individuelle. Les secteurs géographiques du Plateau de Retord (département de l’Ain) et de la Presqu’île d’Yvoire (département de la Haute Savoie) en sont deux exemples parlants, tous deux liés à la culture, au tourisme et à l’histoire, l’un bâti et l’autre naturel.

Les projets de prolongements du réseau du Léman Express (LEX) doivent permettre de constituer un système de bouclage efficace de la desserte des territoires de l’Espace lémanique, en résolvant les différentes lacunes de desserte, notamment celles citées ci-dessus. Nous pouvons dire qu’ « il y a loin de l’incantation à l’action » et le passage de l’évocation du développement durable à des mesures d’application concrète va nécessiter discernement et courage politique, mais il faut en passer par là si l’on veut sortir des discours non fondés sur des réalisations concrètes !

Une augmentation de la capacité du réseau ferroviaire qui piétine

Même au paradis du rail, il est aujourd’hui difficile de voir le bout du tunnel. En Suisse, le train est roi. Et pourtant, la nouvelle gare de Lausanne ne verra le jour qu’en 2037, avec douze ans de retard. Quant à la gare souterraine de Genève, elle n’offrira finalement que deux voies et un quai, soit la moitié de ce qui avait été annoncé, et n’ouvrira qu’en 2038. Enfin, la nouvelle ligne Genève–Lausanne n’est attendue, au mieux, qu’entre 2070 et 2080.

À l’heure où la Chine construit près de 3 000 km de lignes à grande vitesse par an, pourquoi les projets suisses prennent-ils autant de temps à se concrétiser ?

D’abord, parce qu’ils sont devenus plus complexes et plus coûteux. Dans une Suisse où le frein à l’endettement a été adopté par référendum en 2001 avec plus de 84 % des voix, chaque dépense publique est scrutée de près. La suppression, cette année, d’un fonds d’une trentaine de millions de francs pour relancer les trains de nuit vers l’Italie et l’Espagne en est un exemple parlant.

En matière ferroviaire, le mécanisme est similaire. Les Suisses ont accepté par votation populaire la création d’un fonds d’infrastructure ferroviaire. Celui-ci garantit l’entretien du réseau existant, mais prévoit aussi de nouvelles constructions par étapes successives. Résultat : les projets s’accumulent et les délais s’allongent.

Autre frein souvent pointé du doigt : le système de recours. Une seule opposition suffit parfois à bloquer un projet pendant des années. Dans le Grand Genève, par exemple, l’extension de la ligne de tram 15, censée relier Saint-Julien-en-Genevois au cœur de l’agglomération, se retrouve devant le Tribunal fédéral. Une dizaine de commerçants se sont opposés à ce projet qui devait pourtant faciliter les déplacements quotidiens de près de 9 000 usagers.

En France, la situation est différente mais tout aussi problématique : les difficultés financières de l’État et une politique encore largement tournée vers la voiture individuelle fragilisent les investissements ferroviaires. Dans le Jura, on vient même d’allouer 100 000 € pour lancer les études préliminaires… d’un tunnel routier entre Saint-Claude et le Pays de Gex.

Tous ces freins – politiques, financiers et législatifs – peuvent néanmoins être surmontés. C’est d’ailleurs l’ambition de plusieurs acteurs, comme le Forum d’agglomération du Grand Genève, qui a récemment publié un rapport intitulé « Transport ferroviaire & perspectives dans le Grand Genève ».

Un nouveau métro à Genève?

Les lignes ferroviaires classiques ne sont pas la seule solution. Plusieurs exemples en France et en Espagne montrent la pertinence de systèmes plus légers. C’est précisément ce que souhaite développer le canton de Genève dans sa stratégie Rail 2050 : la construction d’un nouveau barreau nord-sud en ferroviaire léger.

Pourquoi ? Parce que ces projets sont moins coûteux, tant à la construction qu’à l’exploitation. À Barcelone, par exemple, certaines rames de métro circulent sur rails, alimentées par une ligne aérienne, et roulent en surface. À l’approche de l’agglomération, ces « métros » s’engouffrent dans des galeries de plus petite taille que celles construites pour le Léman Express, tout en permettant néanmoins une cadence rapprochée.

Dans le Grand Genève, on pourrait imaginer un tel « métro » reliant Nyon à Saint-Genis-Pouilly via la ligne du Piémont du Jura, traversant ensuite le canton de Genève en souterrain, puis ressortant au pied du Salève pour terminer son trajet à Annemasse ou Valserhône, en empruntant la ligne du Piémont du Salève.

Le coût d’exploitation de ces rames est également inférieur à celui des TER classiques, ce qui rend ce type de solution plus adapté aux moyens financiers des collectivités appelées à en assumer la charge.

LEX 2050

Le 30 septembre prochain, plusieurs de ces questions trouveront enfin des réponses. Depuis 2023, l’association franco-suisse LEX 2050, avec laquelle AlpRail a collaboré à de nombreuses reprises, milite activement pour le développement de l’offre et des infrastructures ferroviaires dans le Grand Genève. Elle réunit des professionnels de la mobilité et des élus afin d’apporter conseils et expertises aux collectivités qui en font la demande.

En 2023, un collectif d’élus du Haut-Bugey avait sollicité un financement auprès du ministre français des Transports, Clément Beaune, afin de lancer une étude sur le prolongement du Léman Express au-delà de Valserhône, en direction de Nurieux-Volognat et Culoz.

Conscients des prochaines échéances en matière de mobilité – notamment le volet 2023-2027 du contrat État-Région et l’élaboration du Service express régional métropolitain (SERM) franco-genevois –, les maires de Brion, Corbonod, Culoz, Le Poizat-Lalleyriat, Les Neyrolles, Nantua, Nurieux-Volognat, Pougny, SaintGermain-en-Joux, Seyssel (Ain), Seyssel (Haute-Savoie) et Valserhône ont souhaité s’appuyer sur des experts locaux afin de contribuer à ces travaux.

Le comité de LEX 2050 les a accompagnés en apportant un soutien technique pour définir le cadre de l’étude, sélectionner les prestataires et assurer la gestion financière du projet. Sur son conseil, le bureau d’ingénieurs franco-suisse Citec a été mandaté pour conduire l’étude. Celle-ci s’appuie sur la planification actuelle et future des services Léman Express, TER et TGV. Elle vise à analyser la faisabilité d’un prolongement du Léman Express vers Culoz et Nurieux-Volognat en utilisant l’infrastructure existante, tout en chiffrant le coût de modernisation de certaines gares et la réouverture de plusieurs autres dans le Bas-Bugey et le HautBugey.

D’un montant de 18 700 €, l’étude sera remise aux autorités organisatrices de la mobilité du Grand Genève afin d’être intégrée aux réflexions liées au SERM franco-genevois. Elle contribuera ainsi au report modal et au désenclavement de la région.

Forte de ce succès, l’association a également travaillé sur la modélisation de la future diamétrale ferroviaire genevoise, inscrite dans le projet d’agglomération de cinquième génération. Ce nouvel axe relierait la ligne du Piémont du Jura à celle du Piémont du Salève, en traversant le canton de Genève. Les travaux menés à la Haute École d’Ingénierie et d’Architecture de Fribourg viennent conforter et enrichir les conclusions d’une étude commandée par Pays de Gex Agglo en 2020. Celle-ci estimait qu’un retour de la liaison ferroviaire serait pertinent à l’horizon 2050 – Genève plaidant pour une réalisation dix ans plus tôt –, à condition de créer une nouvelle pénétrante.

La conférence du mardi 30 septembre 2025 sera donc l’occasion de présenter les conclusions de l’étude sur le Haut et le Bas-Bugey, mais aussi de mettre en lumière l’ensemble des travaux de l’association, afin qu’ils soient intégrés aux réflexions en cours sur le futur SERM du Genevois français. La conclusion de ces travaux est attendue pour mars 2026, sous la supervision de la Société des Grands Projets.

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Eric RAIMONDEAU

Eric RAIMONDEAU

Gérant de l'agence UTOPIES URBAINES

J’ai créé l’agence Utopies Urbainespour partager mon expertise et la transmettre au travers des expériences que j’ai pu acquérir en direction des élus locaux mais aussi  des fonctionnaires des communes ou intercommunalités lors de sessions de la formation continue ou initiale. Ce site veut aussi être un relais pour des offres d’emploi proposées par les collectivités territoriales.

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