Les liaisons dangereuses
Anna Bottoni et Jacques Grangé, administrateurs de l’Office Professionnel de Qualification des Urbanistes, issus du Conseil Français Des Urbanistes, se sont opposés aux transformations des statuts de l’OPQU en pointant en particulier l’introduction de l’Association des Ingénieurs Territoriaux de France dans l’OPQU. Ils avaient souligné que c’était faire “rentrer le loup dans la bergerie”.
L’actualité récente vient de confirmer le bien fondé de cette analyse.
L’AITF, selon son bulletin diffusé aux adhérents, vient d’intervenir auprès des ministères de l’écologie et de l’égalité des territoires pour que la profession d’urbaniste ne soit réservée qu’à des « ingénieurs pur jus” ayant étudié au moins 70% de matières scientifiques ou techniques durant leur cursus de formation supérieure !
C’est la confirmation de l’opposition de l’AITF à l’accès des jeunes urbanistes diplômés au concours d’ingénieur territorial. Cela n’a pas toujours été le cas, nous avons connu des périodes de plus grande ouverture de l’AITF, avec ses précédents présidents. Cela pose une série de questions “en cascade” :
- L’OPQU valide t il la position de l’AITF vis à vis des jeunes urbanistes ?
- L’OPQU S’opposera t il à toute demande éventuelle de l’AITF qui souhaiterait que le processus de qualification soit réservé aux urbanistes disposant d’une culture scientifique ou technique ?
- L’OPQU se rend il compte du ridicule et de l’incohérence de cette situation alors qu’il entend continuer à consacrer une partie de son activité (d’ailleurs à juste titre) à l’évaluation des formations supérieures en urbanisme ? Sauf à penser que les urbanistes ont leur place partout sauf en Collectivités Territoriales, ce qui serait pour le moins curieux, compte tenu de leur responsabilité institutionnelle éminente en urbanisme, ce qu’Urbanistes des Territoires (et le président du CFDU) manifeste par son activité.
- L’OPQU approuve t il le schéma d’une formation à 70 % scientifique et technique parfaitement contradictoire avec ses critères du processus de qualification et de son référentiel métier ? Est ce qu’un Programme Local de l’Habitat s’élabore en fonction de connaissances et de savoir- faire en Génie Civil ?
- Comme à la période des “Grands Ensembles” et de ses fameux chemins de grues nous avons le sentiment que d’aucuns veulent faire de l’urbanisme sans urbanistes, voire de « l’UBUanisme », avec les dégâts collatéraux dans les décennies suivantes que la société française n’a pas fini de payer !
Tout se passe comme si la réforme des catégories A + dans la FPT (où pourront aller les grands corps de l’Etat ) barrait le chemin aux promotions des ingénieurs territoriaux « de formation maison » et qu’il faille éliminer dans l’accès aux postes de responsabilités ces urbanistes qui savent non seulement lire et écrire mais aussi penser transversalement et de manière pluri disciplinaire
A moyen et long terme, compte tenu des positions même de l’AITF, il rique fort de ne plus y avoir d’urbanistes adhérents à l’AITF, puisque tous les jeunes passent le concours d’attaché de la filière administrative
Nous avons le désagréable sentiment que tout cela relève de politiques de restrictions d’accès avec comme gardes frontières avec un OPQU voulant se transformer en « ordre » chez les urbanistes libéraux (en négation des dispositions constitutionnelles et européennes) et l’AITF dans la Fonction Publique Territoriale.
L ’entre deux guerres a connu ces parfums nauséabonds ! A quand maintenant l’interdiction d’accès aux urbanistes selon leurs origines géographiques, religieuses, philosophiques ou politiques ?
Qui sont-ils donc, ces représentants de l’AITF, pour parler à la place des paysagistes et des urbanistes, tout en s’arrogeant eux-mêmes une culture « scientifique ou technique » dont ils ne disposent pas, pour une majorité d’entre eux ? En effet, ce sont essentiellement des cadres issus de la promotion interne.
S’agissant de l’AITF, la réalité se situe a contrario de son « purisme d’ingénieur ». La majorité des adhérents de l’AITF sont des promus par le concours interne qui a ses mérites, mais pas celui de donner pendant 5 ans une formation scientifique ou technique. Si la préparation au concours interne organisée par le CNFPT avait ce caractère scientifique ou technique, cela se saurait ! Elle aurait tôt fait de supplanter les classes prépa des grands lycées.
Il y a déjà un certain temps que les ingénieurs titulaires d’un titre d’ingénieur ne sont plus majoritaires (et ce n’est pas du fait des urbanistes !) dans le cadre d’emploi des ingénieurs territoriaux. Les titulaires d’un titre d’ingénieur partent vite très majoritairement dans le secteur privé où ils trouvent de meilleurs traitements, de meilleures conditions de travail et de meilleures perspectives professionnelles.
Alors l’OPQU sera t il complice d’un crime contre la culture urbaine ?
Jacques Grangé
Administrateur de l’OPQU
Vice Président d’Urbanistes des Territoires
Eric Raimondeau
Administrateur du CFDU
Vice Président d’Urbanistes des Territoires
Bernard Lensel
Président d’Urbanistes des Territoires
Association membre fondateur du CFDU
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