Une fonction publique territoriale de métiers.

18/10/17 | Chronique de l’aménagement urbain

La Fonction publique territoriale (FPT) a été créée en France en 1984, dans le contexte des lois sur la décentralisation, en même temps que la Fonction publique hospitalière. Ceci en complément de la Fonction publique d’État, qui était préexistante.

Par Jacques Grangé, Bernard Lensel, Eric Raimondeau Urbanistes des Territoires.

Publié dans Ingénierie Territoriale N° 29 octobre 2017.

La notion de fonction publique remonte en France au XVIIe et XVIIIe siècles[1] , avec l’émergence d’emplois « techniques » qui étaient déjà accessibles par concours en fonction des aptitudes. Ce système complétait et concurrençait alors les charges héréditaires, plus politisées et qui ont été supprimées avec la fin de l’Ancien Régime.

L’essentiel de la Fonction publique d’État (FPE) a été reprécisé par la loi du 19 octobre 1946, à l’initiative du ministre communiste Maurice Thorez[2] ; ce premier statut général de la fonction publique moderne, synthèse des propositions des groupes MRP et communiste, reconnaissait des missions d’intérêt général et la nécessité de les protéger.

Les autres fonctions publiques n’étaient alors encore construites que sur un mode contractuel, peu satisfaisant.

La situation semble plus ambiguë maintenant, avec une remise en cause par certains courants politiques d’influence libérale de cette notion d’intérêt général. Cependant, la loi déontologie, promulguée en avril 2016, rappelle la nécessité de « dignité, impartialité, intégrité et probité » pour tout agent public, afin d’éviter des dérives en tout genre[3] .

UNE RELATION DE COMPLÉMENTARITÉ À PRÉCISER

Dans une période où nous assistons à une recentralisation rampante dans notre pays, avec notamment les regroupements imposés par le haut dans le cadre de la Réforme territoriale, la FPT est devant un choix déterminant : se mettre dans le simple sillage de la FPE et lui servir de courroie de transmission sur le terrain, ou bien s’affirmer comme partenaire à part entière, avec une capacité importante de proposition et de création. La première option a été défendue par certains responsables soucieux de ne pas dénoter et de rester «politiquement correct»; en revanche, elle aboutit rapidement à la dilution de la FPT dans les services de l’État. Ce qui n’est pas envisageable, car une telle situation reviendrait à signer l’arrêt de mort de la décentralisation voulue par François Mitterrand : dans quels services de l’État la FPT serait-elle diluée ? Une mort annoncée d’une FPT, seulement trente-cinq ans après sa naissance : une formidable régression !

La deuxième option entre certes en opposition avec la recentralisation que l’on constate actuellement, mais elle offre l’énorme avantage d’établir une créativité à « tous les étages » et de créer de véritables dialogues entre l’État et les territoires. Elle trouve également sa légitimité dans le fonctionnement et l’évolution des principaux pays européens qui nous entourent : Allemagne, Espagne, Italie, sans parler de la Confédération suisse. La tendance est donc plutôt à une évolution des fonctions publiques en complémentarité.

UNE LÉGITIMITÉ PAR LES MÉTIERS ET LE TERRAIN

Quels sont les principaux éléments de distinction entre les fonctions publiques précitées : la distance au terrain et au concret arrive en tête ; la caractérisation de la FPT s’établit avant tout dans une relation de proximité forte entre les élus, les services et les habitants d’un territoire. Elle est alors assez facile à établir sur des sujets où l’éloignement et la généralisation et parfois la rigidité des services de l’État rencontrent la nécessité d’une déclinaison et de réponses beaucoup plus fines.

La FPE est évidemment plus à l’aise pour le traitement des domaines dits «régaliens» et à dimension nationale.

Les métiers de la Territoriale ont pour spécificité une bonne connaissance du terrain et des personnes. De plus, ils ont une grande légitimité démocratique du fait de la proximité des élus locaux, directement élus au suffrage universel par la population, sauf pour l’instant dans les intercommunalités. Nous avons pu évoquer la nécessité de la proximité avec la population[4] et son rôle pour abonder une meilleure cohésion des territoires, thème récurrent en France actuellement. La spécificité des métiers de terrain est évidemment un liant concret nécessaire pour cette cohésion recherchée, en étroite relation avec la population et les élus locaux qu’elle a désignés.

DE NOUVEAUX DÉFIS

De nouveaux défis apparaissent actuellement, auxquels les collectivités territoriales sont confrontées : de façon générale, l’e-administration, les nouveaux modes de déplacement et leur multimodalité, la notion de villes intelligentes (smart cities), le développement de l’agriculture urbaine, la planification locale, intercommunale et régionale ; pour le volet économique, les grappes d’entreprises (clusters) et les pôles de compétitivité ; pour le volet environnemental, la transition énergétique, la contribution des collectivités à la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de l’environnement.

Pour le fonctionnement interne des services des collectivités, la notion de hiérarchie doit coexister avec cette nécessité de spécialisation, de créativité et d’adaptation aux nouvelles donnes. La hiérarchie devra évoluer vers une action de répartition des responsabilités et de décloisonnements (organigramme dit «en râteau»): car la spécialisation des métiers dits « émergents » peut entraîner un cloisonnement dans les structures et il faut une vue d’ensemble dans ce contexte. Permettons d’abord à ces métiers émergents de s’installer ! Ne soyons pas comme les villes d’Orléans et de Tours qui sont restées à côté du chemin de fer au XIXe siècle !

DES PISTES POUR L’AVENIR

Face au chamboulement des pratiques qui a déjà commencé, les métiers territoriaux vont donc devoir s’adapter. Certains métiers devront même être créés de toutes pièces pour répondre aux enjeux sociétaux qui se présentent à nous.

Mais aurons-nous les moyens de trouver les ressources humaines et les compétences adéquates pour y répondre ?

Il faudra pour tout cela que les moyens financiers suivent. Or la baisse des dotations vers les collectivités, les projets de baisse des impôts des ménages, la fin annoncée de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages ne laissent rien augurer de bon. On voit déjà l’impact de la baisse des dotations de l’État vers les communes sur l’emploi : il suffit de parcourir les offres d’emploi des revues professionnelles pour se rendre compte que le nombre de postes ouverts est en nette diminution actuellement. Qui, à l’avenir, voudra venir travailler dans les collectivités, même si les missions sont passionnantes ?

Le gel du point d’indice, la journée de carence, les changements d’échelon qui s’étalent dans le temps, les menaces qui planent sur le statut, les difficultés croissantes pour accéder à la formation, tout cela contribue à rendre la FPT moins attractive et incite les jeunes à regarder vers le privé ou à l’étranger pour trouver un emploi rémunéré en correspondance avec les compétences requises.

La fonction publique territoriale n’est pas la seule fonction publique concernée par les adaptations à venir : pour s’en convaincre, il suffit de se remémorer les déclarations du président de la République lors de la dernière conférence nationale des territoires qui s’est tenue le 17 juillet 2017. Dans ses propos, Emmanuel Macron a évoqué « une gestion différenciée des fonctions publiques » avec une touche d’optimisme sur les capacités pour « les territoires en réalité (qui) savent mieux l’organisation qui est la plus pertinente pour eux ».

Cette intention est appuyée par les propos du ministre de l’Action et des Comptes publics « de vouloir avancer par métier plutôt que par point d’indice (ce) qui plombe en partie le pays», ce qui d’après lui « empêche de faire avancer la fonction publique»

L’adaptabilité est la réponse pertinente aux enjeux du concret, et passera donc avant l’actuelle rigidité des fonctionnements organisationnels. Hors de toute approche dogmatique, toujours funeste dans son application brutale sur le réel, il reste à trouver le point d’équilibre entre la protection de l’indépendance du fonctionnaire, la motivation du déroulement valorisant d’une carrière et la capacité à répondre efficacement aux problématiques du terrain.

OCTOBRE 2017 / N°29 / INGÉNIERIE TERRITORIALE. Retrouvez ci-dessous l’article complet sous format PDF.


[1] Création notamment des écoles d’hydrographie, dès le XVIe siècle, réorganisées en 1681 (http://www.merite-maritime29.org/ecoleshistorique.htm), de l’École des ponts et chaussées en 1747, de l’École des arts et métiers en 1780, de l’École des mines en 1783.

[2] http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/ approfondissements/statut-general-fonction-publique.html 3. https://www.lesechos.fr/19/10/2016/lesechos.fr/0211405791402_ le-statut-des-fonctionnaires-a-70-ans.html

[3] https://www.lesechos.fr/19/10/2016/lesechos.fr/0211405791402_ le-statut-des-fonctionnaires-a-70-ans.html 4. Pour une proximité réelle et une véritable cohésion des territoires, tribune de Catherine Préaubert, Bernard Lensel et Éric Raimondeau, dans l’Ingénierie territoriale, juillet-août 2017.

[4] Pour une proximité réelle et une véritable cohésion des territoires, tribune de Catherine Préaubert, Bernard Lensel et Éric Raimondeau, dans l’Ingénierie territoriale, juillet-août 2017

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Eric RAIMONDEAU

Eric RAIMONDEAU

Gérant de l'agence UTOPIES URBAINES

J’ai créé l’agence Utopies Urbainespour partager mon expertise et la transmettre au travers des expériences que j’ai pu acquérir en direction des élus locaux mais aussi  des fonctionnaires des communes ou intercommunalités lors de sessions de la formation continue ou initiale. Ce site veut aussi être un relais pour des offres d’emploi proposées par les collectivités territoriales.

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