
La place, espace libre dans la ville, a toujours eu un rôle fédérateur et de socialisation au sein des espaces publics urbains.

Par Virginie SIDOROV – Urbaniste – Consultante – Secrétaire Nationale d’Urbanistes des Territoires
Fondatrice d’AREA Territoires Conseils
Il y a tant à dire sur ce lieu public donc chacun à au moins une image en tête, des souvenirs de marché ou d’évènement festif. La place de la ville ou du village est l’un des espaces publics les plus importants de la commune. Elle façonne la ville de par ses usages, ses rituels et son rôle dans l’imagination collective.

Lorsqu’il s’agit de la réaménager, comment doit se positionner l’urbaniste ? Son rôle se situe entre compréhension du lieu et prise en compte des enjeux actuels.
Espace de sociabilité
Les espaces publics sont des territoires de surface, de style et de forme variés, qui sont en principe ouverts à tous. Ils accueillent de nombreux usages et usagers. Ces espaces sont façonnés selon des usages et des représentations. Mais comme ils évoluent constamment, ils sont toujours en cours de production. Ils sont des constructions sociales.
La place est l’un des premiers espaces publics auquel on pense. C’est un espace aux limites claires (bordée par des rues, des bâtiments…) et facilement accessible. C’est un lieu de passage central, voire incontournable dans la ville ou le village.
Durant l’Antiquité, l’agora grecque ou le forum romain formaient le cœur urbain de la cité avec une fonction citoyenne et commerciale.

Au Moyen-Âge, ces fonctions perdurent mais s’y ajoute celle de rassemblement festif civique ou religieux. A la Renaissance, les places sont des espaces de représentation du pouvoir où l’esthétisme et le symbolisme dominent.
Au XIXe et XXe, les rôles civique et démocratique se développent en accueillant des rassemblements – souvent contestataires – et de commémoration. Les autres fonctions perdurent également.
Aujourd’hui, la place est à la fois un lieu de vie et de mémoire collective. Elle constitue également un espace de respiration dans des environnements parfois denses.
A lire aussi l’article collectif avec l’auteure : Pour une mobilite post-covid
Mise en scène et patrimonialisation
La place publique est souvent aménagée selon une certaine vision politique et sociale. Elle n’est qu’un produit temporaire qui répond à des besoins et à des représentations à un moment donné. Même si l’usager s’adapte au lieu pour ses pratiques, celles-ci modifient également le sens de l’espace public. La place est aussi un objet patrimonial et symbolique, ce qui va parfois à l’encontre des besoins de la vie quotidienne.
A partir de la Renaissance, la place est souvent conçue par des architectes qui en font une production hiérarchisée, géométrique pour produire un effet esthétique et ordonné. Plus tard, elle devient la scène du pouvoir politique. A partir du XIXe siècle, la ville historique devient objet de conservation. La volonté de préserver l’intégrité historique et esthétique du lieu amène parfois à une muséification au détriment de la fonction sociale vivante.

Réinventer la place : le rôle de l’urbaniste
L’urbaniste doit aborder le réaménagement d’une place comme un projet à la fois social, spatial et symbolique.
Avant toute chose, un diagnostic fin est essentiel. Il doit permettre d’étudier le fonctionnement et les usages du lieu, d’identifier l’ensemble des acteurs locaux, les rythmes et temporalités et les éléments du patrimoine bâti et végétal.

La définition des objectifs d’aménagement doit répondre à de nombreux enjeux : assurer l’accessibilité, maintenir la polyvalence des usages, favoriser les interactions sociales, réduire la place de la voiture tout en répondant aux usages nécessaires, intégrer la dimension écologique et laisser la place au vivant dans l’aménagement, respecter le lieu et son patrimoine.
Il est également important de conserver les éléments identitaires (ex: arbre remarquable, fontaine…) sans pour autant aller vers la sur-esthétisation : privilégier l’authenticité.
Un projet abouti passe également par une gouvernance et une participation réussies. L’implication des habitants dès la conception permet une meilleure appropriation de l’aménagement et une utilisation future optimale.
L’évolutivité de l’espace est à penser, car les usages changent, il faut donc travailler à sa réversibilité.
La place est une scène du quotidien. La réussite de son aménagement tient de la capacité à maintenir un équilibre entre usages, mémoire et esthétique. L’urbaniste doit concevoir un espace vivant, qui permette à la communauté de continuer à se rassembler, de construire et de se réinventer.

Octobre 2025





0 commentaires