Pour une mobilité Post-Covid

29/07/21 | Chronique de l’aménagement urbain

L’impact de l’épidémie de Covid19 sur les mobilités.

Par Bernard LENSEL, Eric RAIMONDEAU et Virginie SIDOROV, Urbanistes des Territoires

Article publié dans la revue Urbanisme N° 418 Novembre 2020.

Dans cette période Post-Covid, les transports en commun risquent de se retrouver l’un des modes les plus impactés par la crise sanitaire, c’est bien évident. La promiscuité dans le bus les tramways ou les métros va dissuader une partie des urbains d’utiliser ces modes de déplacement, par appréhension. Il est à noter qu’un mois et demi après le déconfinement, on observe en région genevoise une reprise de la chalandise à 80% dans les transports régionaux (RER), tandis que les transports urbains ne reprennent qu’à 70% pour l’instant (1)

Les dispositions prises par les Autorités organisatrices sont réelles et courageuses, mais il reste une méfiance qui risque de perdurer vis-à-vis de risques pandémiques ultérieurs.

Le triomphe momentané de l’individuel

Ceci cumulera avec la tendance à l’individualisme qui est prégnante à notre époque.

Les transports individuels vont très probablement bénéficier d’un regain de chalandise, la voiture individuelle et le vélo notamment. Mais aucun autre mode ne peut totalement remplacer les transports publics à lui seul, à quelque échelle urbaine que ce soit, sachant que toute vision mono-modale est fragile et fragilisante.

Dans sa domination issue des trente glorieuses, la voiture voit petit à petit au fil des décennies ses parts modales s’amenuiser, mais une disparition totale semble être du domaine de l’utopie, car elle ne prend pas en compte le transport sanitaire, celui des pondéreux, de l’approvisionnement d’une ville, dont la seule autosuffisance alimentaire est très faible, de l’ordre de 3 jours pour Paris, par exemple (2).

Des mobilités douces dans une ville adaptable :

Ces mobilités passent par le développement de la pratique du vélo, qui offre des réponses positives dans le contexte de la crise ; cependant, sa compatibilité avec les piétons, plus vulnérables, doit être garantie.

Ces mobilités passent aussi par la marche, bonne pour la santé, premier moyen de déplacement à l’arrivée de l’homme sur notre planète. Il est important d’en parler, car à contrario de ce que peuvent laisser penser les opérations de communication, le piéton est souvent le grand oublié de politiques publiques de mobilités.

Les conflits d’usage, nombreux, sont là pour le prouver. On estime que seuls 10% des espaces de la ville sont à disposition du piéton (3). Et encore, l’appropriation par des modes plus agressifs pose des problèmes manifestes, notamment pour les usagers les plus vulnérables, personnes avec une poussette ou des personnes à mobilité réduite, notamment. Cela s’apparente à se déplacer dans « une jungle urbaine » ce qui n’est pas sans susciter de l’angoisse et des accidents parfois graves (4).

L’appui de l’urbanisme tactique

L’urbanisme tactique permet de tester « des aménagements temporaires qui utilisent du mobilier facile à installer pour démontrer les changements possibles dans l’aménagement d’une rue d’une intersection ou d’un espace public. On peut ainsi montrer comment l’aménagement peut influencer le comportement des usagers »

Certaines villes ont déjà creé des pistes cyclables provisoires. D’autres ont même fermé des rues aux voitures pour une utilisation exclusive par les piétons.

 Souvent, l’espace réservé aux piétons est restreint : il suffit de regarder la largeur de certains trottoirs pour s’en convaincre

La ville en tant que lieu d’échange et de rencontre, avec des terrasses agrandies devant les bars et restaurants, ne peut se satisfaire d’un unique mode de déplacement où le contact serait fortement amoindri en termes de « séjour » dans l’espace public, où l’on peut travailler, s’amuser, manger et habiter.

Donc, la pratique du vélo est l’une des offres  intéressantes à développer pour irriguer la ville, mais elle n’est pas extensible à l’infini et ne doit pas entraver un autre mode de déplacement tel que la marche.

La piste de la multimodalité

Dans le cadre de la réflexion du Forum d’agglomération du Grand Genève (Franco-Valdo-Genevois), nous avions effectué un comparatif des différentes parts modales du déplacement entre les agglomérations genevoise et lyonnaise (5), ce qui nous fait déboucher sur une approche résolument multimodale des déplacements.

Il en ressort une grande diversité des modes, avec notamment :

  • Le tassement de l’utilisation du véhicule individuel en passant respectivement de 50% de parts modales à 30 et 35% en agglomération,
  • La montée en charge de la marche urbaine la fait passer de 30-32% à 40% pour Genève, où l’effort de promotion est le plus grand et à 35% pour Lyon.
  • Les transports en commun étaient programmés à hauteur de 18% dans l’agglomération genevoise et 22% dans l’agglomération lyonnaise avant la crise sanitaire.
  • Le vélo devait atteindre 18% et 8% respectivement, en intégrant le vélo électrique. Ce qui n’est pas un mode de mobilité douce, avec un appel majoritaire à une énergie fossile d’origine nucléaire, doit-on le rappeler.

La multimodalité ne s’exprime pas de la même façon dans chaque ville, avec une focale qui porte plus sur la marche, les transports en commun ou le vélo, suivant le cas, suivant l’échelle de la ville également.

Un rééquilibrage annoncé

Cette tendance à une multimodalité équilibrée, avec réduction de certains modes de déplacement, comme la voiture et sans doute les transports en commun dans une certaine proportion, avec une plus grande affirmation des modes doux et actifs, vélo et marche notamment, se précise dans cette période de post-crise sanitaire.

La richesse des modes de déplacement reste toutefois un atout de taille pour l’irrigation et l’innervation des tissus urbains. Une hiérarchisation des modes par artère urbaine viendra utilement compléter ce rééquilibrage, surtout dans les grandes agglomérations, comme cela a été déjà analysé dans l’article « Des trames urbaines aux « supermanzanas » (6).

Eric RAIMONDEAU

Eric RAIMONDEAU

Gérant de l'agence UTOPIES URBAINES

J’ai créé l’agence Utopies Urbainespour partager mon expertise et la transmettre au travers des expériences que j’ai pu acquérir en direction des élus locaux mais aussi  des fonctionnaires des communes ou intercommunalités lors de sessions de la formation continue ou initiale. Ce site veut aussi être un relais pour des offres d’emploi proposées par les collectivités territoriales.

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