Financement des extensions de réseau d’électricité et autorisations du droit des sols

13/11/23 | Chronique de l’aménagement urbain

Crédit photo : Eric Raimondeau

Les extensions de réseau d’électricité sollicitées lors de l’instruction des permis de construire sont souvent sources de difficultés d’interprétation.

Au travers de cet article, sont analysées les dispositions relatives pour le financement des extensions d’électricité générées par une ADS. Ce sujet fait toujours l’objet de nombreuses questions de la part des instructeurs du droit des sols. Il suscite toujours de nombreuses interprétations.

Rappel du contexte législatif :

L’article 29, la loi 2023-175 du 10 mars 2023 dite APER indiquait ceci dans le 7° du paragraphe I :

7° Le 1 de l’article L. 342-11 est ainsi modifié : a) Le deuxième alinéa est supprimé ;

Ce deuxième alinéa du L342-11 du code de l’énergie, supprimé par la loi stipulait que :

« La part de contribution correspondant à l’extension située hors du terrain d’assiette de l’opération reste due par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d’urbanisme. »

Il ressort donc que, de l’application de cet article de la loi, la commune ou l’EPCI, compétent en matière d’urbanisme, n’est plus redevable, depuis le 10 septembre 2023, de la part de l’extension située hors du terrain d’assiette d’un projet.

L’ordonnance 2023-816 du 23 août 2023, annoncée par la loi susvisée, indiquait dans son article 8 que les dispositions de la loi entreraient en vigueur le 10 novembre.

Avec cette date butoir, résultant de l’interprétation concomitante de la loi et de l’ordonnance, une difficulté est vite apparue lors de l’instruction d’une autorisation du droit des sols (ADS).

En effet, à compter du 10 septembre, la collectivité n’avait plus à prendre en charge les extensions d’électricité situées hors du terrain d’assiette. En contrepartie, il fallait attendre le 10 novembre 2023 pour que le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme devienne le redevable exclusif de la contribution nécessaire au financement de cette extension.

La période du 10 septembre au 10 novembre 2023 installait les services instructeurs des collectivités dans un flou juridique total qui n’amenait que des difficultés dans la gestion des autorisations du droit des sols déposées peu avant ou après cette date du 10 septembre.

La position de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE)

Pour sortir du flou juridique, la CRE s’est réunie dès le 22 septembre 2023.

Elle a rendu ses conclusions dans une décision dont les trois principales orientations sont résumées suivant les items ci-dessous.

1 : Une collectivité n’est plus redevable du cout de l’extension situé hors du terrain d’assiette d’un projet :

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 a supprimé la contribution des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour la perception des participations d’urbanisme pour le raccordement des consommateurs au réseau de distribution correspondant à l’extension située hors du terrain d’assiette de l’opération

2 : Le redevable d’une extension du réseau d’électricité est le demandeur du raccordement

2(…) la CRE précise que le redevable de la contribution prévue à l’article L. 342-6 portant sur la part des coûts des travaux d’extension situés hors du terrain d’une opération de raccordement bénéficiant d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable est le demandeur de raccordement.[1]

3) Pour les ADS délivrées à compter du 10 septembre, une CCU n’est plus redevable de la contribution nécessaire pour le financement d’une extension de réseau d’électricité.

.(…), la suppression de la contribution des CCU pour les travaux d’extension situés hors du terrain d’une opération de raccordement ayant bénéficié d’une autorisation d’urbanisme s’applique à toutes les demandes de raccordement de consommateurs au réseau public de distribution d’électricité qui font l’objet d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable délivré à compter du 10 septembre 2023.

A lire aussi : Les évolutions apportées à la loi climat et résilience du 22 août 2021 par la loi du 20 juillet 2023.

La décision à prendre à l’issue de l’instruction d’une ADS :

Dans la hiérarchie des normes, la loi et l’ordonnance constituent une norme supérieure, et donc s’imposent par rapport aux dispositions d’un code qui n’est là que pour regrouper les articles des lois et les dispositions des textes réglementaires.

Les ADS délivéres depuis le 10 septembre (y compris pour celles qui auraient été déposées avant le 10 septembre et que vous pouvez être amenées à instruire plusieurs semaines après leur dépôt en raison de la prolongation des délais de consultations qui sont imposés à ces dossiers) doivent donc mettre à la charge des détenteurs de permis le cout de l’extension située hors du terrain d’assiette.

Petite précision : la décision de la CRE parle d’ADS délivrées à compter du 10 septembre et non pas d’ADS déposées à compter du 10 septembre.

On peut regretter cependant que ni la loi APER, ni l’ordonnance précitée n’ont modifié le 3ème alinéa de l’article L332-15[2]. Cet article se retrouve en contradiction avec les nouveaux textes

Notamment son 4ème alinéa qui concerne la fameuse règle des 100m.[3] Mais cette réglé s’applique aussi pour les réseaux d’eau potable.

Une réécriture de cet article en cohérence avec les nouvelles dispositions du code de l’énergie aurait été de bon aloi.

La délivrance d’une ADS sur la base de cet article serait entachée d’illégalité. Le contrôle de légalité pourrait aussi demander au Maire de rapporter sa décision.

Conclusion : Toutes les autorisations qui sont délivrées actuellement, et ce depuis le 10 septembre, y compris celles qui ont été déposées avant le 10 septembre et qui sont encore en instruction, devront mettre à la charge du demandeur d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou de la non opposition à une déclaration préalable, le cout d’une extension d’électricité nécessitée par le projet et ce quel que soit sa longueur et son cout.

Remarque : cet article fait suite à une formation de deux jours que j’ai animée pour le compte du CNFPT des Pays de la Loire les 7 et 8 novembre 2023.

Eric Raimondeau

Urbaniste – Intervenant CNFPT

Novembre 2023


[1] La CRE s’appuie sur l’article L342-21 du code de l’énergie qui stipule dans sa version en vigueur depuis le 10 novembre 2023 :

Le demandeur d’un raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité est le redevable de la contribution.

 1° Lorsque l’extension est rendue nécessaire par une opération ayant fait l’objet d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable, située en dehors d’une zone d’aménagement concerté et ne donnant pas lieu à la participation spécifique pour la réalisation d’équipements publics exceptionnels ou à la participation pour voirie et réseaux mentionnées à l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme, la contribution est versée par le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition.

[2] L’autorisation peut également, avec l’accord du demandeur et dans les conditions définies par l’autorité organisatrice du service public de l’eau ou de l’électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d’eau ou d’électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n’excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d’autres constructions existantes ou futures.

[3] A noter que cette règle des 100 m s’applique aussi aux extensions de réseaux d’eau potable.

Eric RAIMONDEAU

Eric RAIMONDEAU

Gérant de l'agence UTOPIES URBAINES

J’ai créé l’agence Utopies Urbainespour partager mon expertise et la transmettre au travers des expériences que j’ai pu acquérir en direction des élus locaux mais aussi  des fonctionnaires des communes ou intercommunalités lors de sessions de la formation continue ou initiale. Ce site veut aussi être un relais pour des offres d’emploi proposées par les collectivités territoriales.

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