Par Jacques GRANGE, Bernard LENSEL, Eric RAIMONDEAU, Urbanistes des Territoires 20 janvier 2014
A l’heure où une partie de la profession des urbanistes et de ses organisations est tentée par un repli ultra corporatiste, de type « closed shop* », il nous semble utile, en tant qu’urbanistes des collectivités territoriales et de leurs établissements de coopération intercommunale, de rappeler quelques données de base de l’activité spécifique des urbanistes, avec la prise en compte de tous les positionnements et modes d’exercice.
ELEMENTS DE CONTEXTE
Notre activité prend sens dans le cadre d’un état de droit où les collectivités territoriales exercent la maitrise d’ouvrage dans le champ de l’urbanisme et des opérations d’aménagement, alors que l’Etat n’intervient plus que de manière exceptionnelle sur ces mêmes domaines, se réservant pour la régulation, ainsi que pour certaines missions de conseil et de contrôle.
A notre sens, la fonction des urbanistes n’est pas d’offrir « un supplément d’âme » pour l’action publique, mais d’être ceux qui apportent du sens profond à cette action des collectivités territoriales et à leur maîtrise d’ouvrage. Car cette maîtrise d’ouvrage joue un véritable rôle dynamique d’animation et de vie sociale du territoire national.
C’est pour cela que, fidèles à l’esprit de la décentralisation que notre association accompagne depuis maintenant plus de 3 décennies, nous nous prononçons toujours aussi clairement pour un urbanisme démocratique :
Þ Démocratique dans ses finalités, au service du plus grand nombre,
Þ Démocratique dans ses modalités d’élaboration, de confection et de mise en œuvre.
Cela va bien au-delà de la concertation obligatoire du Code de l’urbanisme. Cela interpelle aussi les modes de travail et de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
Sans oublier la gouvernance politique dans laquelle les urbanistes territoriaux ont toute leur place, avec le rôle de conseil et d’aide à la décision auprès des élus dans la production d’une ville durable, intense et solidaire, apte à lutter contre l’étalement urbain. * « atelier fermé »
LA RECONNAISSANCE DES URBANISTES :
Pour exercer leur maitrise d’ouvrage, collectivités et institutions intercommunales ont besoin d’urbanistes RECONNUS, contribuant à organiser spatialement, socialement, humainement et non simplement techniquement et juridiquement cette maîtrise d’ouvrage.
La maîtrise d’ouvrage ne doit pas être une annexe de la maîtrise d’œuvre, comme le conçoivent certains, mais bien une action en amont, qui traduit en termes techniques, une volonté politique et une programmation responsable.
En raison de leur expérience au cœur des territoires urbains et ruraux, les urbanistes ont toute leur place dans les différents postes d’encadrement et d’expertise de la Fonction Publique Territoriale (FPT).
Un jeune urbaniste diplômé doit donc pouvoir s’inscrire au concours d’Ingénieur Territorial, en attendant la création d’un statut adapté reconnu au niveau Bac + 5, tel que cela a été posé initialement lors de la création des cadres d’emploi de la FPT.
Les formations de niveau Bac + 5 doivent en tous les cas être reconnues à ce niveau par l’Etat.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas, tant dans la FPT que dans le secteur libéral, accepter que d’autres professions continuent de s’adjoindre arbitrairement le grade d’urbaniste pour garnir leur carte de visite. Car cela revient à faire de l’urbanisme un champ ouvert à tous vents, dans l’ignorance du caractère multidisciplinaire et subtil du fait urbain.
LES MODALITES DE LA CERTIFICATION DES URBANISTES :
Pour conforter cette perspective et pour assurer une véritable reconnaissance professionnelle des urbanistes dans la maîtrise d’ouvrage territoriale, nous proposons que puisse être mis en place rapidement une CERTIFICATION PROFESSIONNELLE, pour eux comme pour les paysagistes. Peu importe au final la dénomination qui sera retenue (capacité professionnelle, licence d’exercice, homologation, label, …).
La reconnaissance de la profession d’urbaniste passe par un dispositif de certification professionnelle et la mise en place de critères spécifiques pour s’assurer de la permanence du métier exercé. Les critères qui seront retenus devront permettre une reconnaissance permanente sans avoir à redéposer un dossier auprès de l’OPQU tous les cinq ans, comme c’est le cas actuellement, dans le cadre d’une démarche fastidieuse et onéreuse pour chacun.
Cette certification pourrait faire l’objet d’un suivi, tant professionnel qu’universitaire ; elle porterait sur une expérience professionnalisante au moins équivalente à un an et devrait permettre une reconnaissance dans le cadre du déroulement de carrière en ce qui concerne les urbanistes de la Fonction publique.
Les modalités de mise en œuvre et les décisions à prendre devront se faire par une commission constituée exclusivement de membres exerçant la profession d’urbaniste et d’enseignants dans le même domaine.
Les associations et les ordres professionnels qui représentent d’autres métiers (architectes, géomètres, ingénieurs, notamment) ne pourront siéger qu’avec un rôle consultatif.
Nous avons une position similaire pour les personnes qui seront chargées de représenter les urbanistes auprès des ministères lors des réflexions sur la mise en place de cette certification professionnelle.
Ce n’est que par la mise en place de véritables conditions de reconnaissance de l’urbanisme et des professionnels qui lui sont rattachés que ceux-ci trouveront la place, qui devrait être la leur depuis longtemps, pour œuvrer qualitativement à la politique d’aménagement du territoire : politique d’aménagement dont les urbanistes sont trop souvent absents par manque de visibilité auprès des décideurs de notre pays.
DEUX PISTES CONCRÈTES SUR LE COURT TERME :
Une réflexion commune est engagée depuis ce début d’année de manière très concrète, notamment entre le Collectif National des Jeunes Urbanistes et notre association, Urbanistes des Territoires, sur les dispositions pratiques à proposer à nos correspondants du Ministère de l’Egalité des Territoires et du Logement ; un calendrier de rencontres est en cours d’élaboration.
Nos associations demandent par ailleurs l’inscription rapide de ce processus de certification professionnelle des diplômes à l’agenda de l’Office Professionnel de Qualification des Urbanistes (OPQU), qui doit s’ouvrir à ces démarches d’encouragement de la profession sous toutes ses formes, à commencer par l’exercice de la maîtrise d’ouvrage et de la conduite de projet.
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