L’éclairage public, un reflet de notre société

26/02/20 | Chronique de l’aménagement urbain

Lyon et la fête des lumières

L’éclairage public est surabondant. En excès il peut être néfaste pour la biodiversité et l’environnement. Avec un fonctionnement maîtrisé , il est source d’économies d’énergie pour les communes.

Par Bernard Lensel et Éric Raimondeau, Urbanistes des Territoires. Publié dans la revue Technicité N°330 de Février 2020.

L’éclairage public, comme l’urbanisme dans son ensemble, est la résultante d’une vision sociétale, d’un fonctionnement effectif de la ville. L’éclairage public apporte aussi une vision différente de la ville. Les pleins et les vides du tissu urbain prennent une nouvelle dimension. Le jeu des ombres que dessine la volumétrie des constructions crée une ambiance qui peut accentuer les perceptions des espaces et susciter l’inquiétude ou le bien être.

La nécessité d’un éclairage durable

L’éclairage public est surabondant dans nos villes. Il en perturbe l’éco système. Les arbres et les fleurs ne savent plus à quelle saison ils doivent se développer. Les oiseaux sont également perturbés et se mettent à siffler en peine nuit. L’observation des étoiles en ville la nuit n’est plus possible car l’œil est accaparé par la lumière artificielle. A l’heure où les économies d’énergie sont dans tous les discours, ces lumières intenses et intempestives sont grandes consommatrices car nombreuses sont qui fonctionnent la nuit mais aussi…..le jour. Une aberration.

Prendre en compte tous les publics

Les éclairages ne sont parfois pas adaptés à toutes les catégories d’usagers et les zones d’ombres qui en résultent peuvent générer un sentiment d’insécurité qui décourage les utilisateurs de modes doux, déjà cités.

L’éclairage de nuit est une nécessité, mais il doit être maîtrisé.

Pour les noctambules, il est source de vie. Pour les travailleurs de la nuit, il permet de se maintenir éveillé pour faire leur travail. Pour les urbains il peut se révéler source de désagrément par l’impact qu’il peut avoir sur leur sommeil.

La  « ville-lumière »  a  un  grand  attrait,  tant  pour  l’habitant  que,  surtout,  pour  le visiteur. Mais de l’émulation entre expressions parfois débridées peut naître une saturation, nocive pour l’environnement et la santé, principalement dans les métropoles. Les éclairages trop abondants et puissants dénaturent

l’image que l’on peut se faire de la ville durant la phase nocturne. L’utilisation de sources lumineuses aveuglantes ou simplement criardes risque d’accentuer ce phénomène. Il n’est pas du domaine de l’intérêt général de laisser se poursuivre cette escalade.

Hiérarchiser les demandes et les besoins

Faire le tri entre les besoins réels est en revanche une démarche qui devient nécessaire : si certains domaines sont  manifestement  surreprésentés,  en revanche, certaines fonctions pratiques sont totalement négligées.

Ainsi, la place de la publicité peut être questionnée. La nouvelle tendance des écrans publicitaires serait à canaliser, dans le respect des autres fonctions, avec un souci d’équilibre et de respect de l’usager.

De plus, la signalétique  ne s’adresse pas à toutes les catégories d’usagers, les utilisateurs des voitures et des transports en commun étant par essence favorisés par rapport aux nouveaux modes de déplacement, cyclisme et marche urbains notamment. Les bornes de parcmètres, les menus de restaurants, la signalétique tournée vers le visiteur de la ville plus que l’habitant sont autant d’informations hautement améliorables.

Par ailleurs, la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces publics est une priorité pour un ensemble urbain qui veut se valoriser ; cela permet de rendre la ville plus spectaculaire de nuit qu’en plein jour, en hiver, avec les journées courtes. Cette situation correspond à une mise en valeur des éléments forts de la composition urbaine.

Cela peut notamment être mis en place lors des fêtes de fin d’année, période durant laquelle une animation est décisive pour l’ambiance de la ville et sa représentation ; encore faut-il le faire avec équilibre et modération : le trop est l’ennemi du bien.

Les exemples de Lille, de Lyon et, à plus petite échelle, de Montbéliard, sont très illustratifs de ces démarches et de la valorisation qu’elles apportent à l’image de ces villes (voir les photos)

Sécurité et pragmatisme

L’éclairage urbain reste à très juste titre de la responsabilité du Maire dans les communes françaises, car c’est un facteur de sécurité, tant vis-à-vis de risques d’agressions à la personne que d’accidents matériels pour le piéton et le cycliste :

éviter un poignet ou une jambe cassée est dans l’intérêt de tous et permet de surcroît d’alléger les prises en charge hospitalières.

Les efforts souhaités par les communes pour limiter l’éclairage nocturne se heurtent

à cette peur de l’insécurité mise en avant par les riverains d’une rue. Procéder à la réduction des feux de minuit jusqu’à 5 heures du matin en période hivernale a un impact non négligeable sur la facture d’électricité. Et donc sur les consommations d’une électricité, produite très souvent par le réseau nucléaire français. Tout est question d’équilibre entre économie et sécurité. Concrètement, la ville doit rester sûre et praticable sans tomber dans l’excès d’un éclairage saturé : les différents écueils, moins ou différemment perceptibles que de jour, doivent être aisément repérables, tant pour l’habitant que surtout pour celui qui ne connaît pas bien le quartier et la ville.

Pour du mieux d’éclairage public

Comme l’analyse avec précision Luc GWIAZDZINSKI, dans son ouvrage « La nuit, dernière frontière  de  la  ville »  (1),  la  ville  offre  une  géographie  et  des  rythmes particuliers en période nocturne. La nuit permet la découverte d’un monde moins bien connu mais dont les mystères aiguisent les sens et l’esprit de découverte.

Le cerveau peut mieux enregistrer de ce fait ce qui est vu de nuit, à condition que les informations soient suffisamment sobres. De ce point de vue, un éclairage raisonnable, suffisant pour permettre la déambulation, complété par la mise en valeur de d’éléments singuliers, monumentaux ou de paysages remarquables permet une présentation très valorisante de la ville de nuit. Les expériences réalisées à Vitoria Gasteiz, capitale administrative du Pays Basque Espagnol, dans le quartier de Coronacion et de l’Avenida de Zumarraga sont représentatives d’un traitement ciblé et pratique de l’éclairage public, au service d’un espace réellement multimodal, à dominante piétons et tramway.

La ville de Vitoria Gasteiz s’est engagée sur un double axe pour son développement urbain, réputé durable : la fixation d’un anneau vert circulaire qui limite son développement en termes de surface urbanisée et d’une trame multimodale qui distribue les modes de déplacement dans son centre historique et dans son espace péri-central de façon équilibrée : tramway, automobile, vélos, piétons, chacun a sa place dans la ville, sans suprématie d’un mode sur les autres. La lecture de nuit de cet équilibre fonctionnel est particulièrement bien affirmée ; la trame urbaine en ressort valorisée par rapport à d’autres villes où les informations sont moins bien affirmées.

Certaines collectivités mettent sur pied des plans d’éclairage qui limitent l’éclairage durant une partie de la nuit et en réduisent surtout la consommation en électricité. La synthèse des contraintes d’économie, de sécurité, de durabilité et de mise en valeur des atouts de la ville est dans tous les cas une subtile équation, que toute action publique doit prendre en compte. L’éclairage public tel que nous le connaissons n’a pas encore achevé sa révolution.

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Eric RAIMONDEAU

Eric RAIMONDEAU

Gérant de l'agence UTOPIES URBAINES

J’ai créé l’agence Utopies Urbainespour partager mon expertise et la transmettre au travers des expériences que j’ai pu acquérir en direction des élus locaux mais aussi  des fonctionnaires des communes ou intercommunalités lors de sessions de la formation continue ou initiale. Ce site veut aussi être un relais pour des offres d’emploi proposées par les collectivités territoriales.

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