Urbanisme : Suivisme ou réelle anticipation

6/06/22 | Chronique de l’aménagement urbain

Les Plans Locaux d’Urbanisme sont des outils dont les élus s’emparent. Il leur faut souvent faire preuve d’audace pour imaginer l’aménagement de leur territoire sur le moyen terme.

Par Bernard LENSEL et Eric RAIMONDEAU Urbanistes des Territoires.

Cet article a été publié dans la revue Ingénierie Urbaine du 1er semestre 2022 de l’Association des Anciens Elèves de l’Ecoles des Ingénieurs de la Ville. (AIVP)

Les plans locaux d’urbanisme sont des outils dont les élus s’emparent en imaginant l’avenir de leurs territoires sur une échéance d’une dizaine d’années.

Les modalités de gouvernance ont une place primordiale pour construire un document de qualité.

Mais, au final, lorsque la procédure est terminée, le bilan peut s’avérer décevant lorsque le document devient exécutoire.

La procédure a-t-elle permis d’anticiper les évolutions du territoire ou s’est-il simplement agit d’un toilettage, d’une mise à jour du projet de territoire sans véritable audace ?

Une résistance permanente au transfert

Certains élus refusent encore de transférer la compétence urbanisme à l’intercommunalité dont leur collectivité est membre.

A la suite des dernières élections municipales, les communes avaient jusqu’au 1er juillet 2021 pour demander le transfert de la compétence Plan Local d’Urbanisme (PLU) à leur communauté de communes ou à leur communauté d’agglomération. Mais, certaines d’entre elles ont encore appliqué la clause de minorité de blocage.[1]

Nombre de collectivités ont pourtant transféré l’instruction des autorisations du droit des sols. Dans les négociations préalables à ce transfert, les maires ont veillé à garder la signature des arrêtés, car c’est un geste qui les valorise, mais qui permet aussi de garder un lien particulier avec leur population.

Mais en ce que concerne la gestion des PLU, il y a toujours pour nombre d’entre elles de fortes résistance pour la confier à leurs intercommunalités.

Pourtant, la cohérence des orientations d’aménagement à mettre en œuvre nécessiterait une élaboration ou une révision du document d’urbanisme à une échelle beaucoup plus large que le seul périmètre d’un territoire communal.

Mais, trop souvent, les communes ne se sentent pas écoutées. Elles ont aussi le sentiment que les orientations projetées ne sont pas suffisamment concertées avec elles. Au final, elles leur sont imposées et elles le regrettent.

D’autant que les communes seules doivent faire face aux conséquences de ces orientations Elles sont souvent imposées par la ville centre qui se trouve perçue comme une sorte de rouleau compresseur imposant ses idées aux autres communes sans autre forme de concertation.

Ainsi un Plan Local de l’Habitat (PLH) gagne à être intégré au PLU, car il valorise ainsi le volet de l’habitat ; cependant, s’il est ambitieux et impose une prévision trop importante de logements de toutes natures, il peut avoir des conséquences financières non négligeables. En effet, il appartient ensuite à la commune de faire face à l’augmentation de la population en créant des services, voire en l’obligeant à construire un nouveau groupe scolaire.

Un dialogue effectif entre la commune et l’intercommunalité est alors indispensable.

La mise en œuvre des orientations d’aménagement d’un PLU dépasse certes largement le strict périmètre d’une commune.

Par exemple, si l’on prend la thématique mobilité, un plan de déplacement cohérent ne peut s’imaginer qu’à l’échelle de plusieurs communes.

Mais le respect de toutes les échelles d’intervention, communale et intercommunale est un gage de réussite.

Un nécessaire travail d’anticipation

L’élaboration ou la révision d’un PLU doit constituer une période privilégiée pour dresser le bilan du développement d’un territoire au cours des dernières années.

Elle constitue aussi un temps pour dresser des perspectives d’avenir. La règle dans une telle période pour les élus, c’est d’anticiper. Malheureusement ils ont trop souvent le nez fixé sur l’échéance des prochaines élections municipales. A ce titre, ils manquent donc d’audace.

Pourtant en matière d’aménagement, les idées ne manquent pas et surtout les défis à relever pour l’avenir face aux enjeux du changement climatique et aux mesures à prendre pour répondre à la transition écologique sont énormes.

La loi Climat et résilience du 22 aout 2021 va obliger les élus à se projeter sur le long terme puisque la sobriété foncière nécessitera un engagement fort pour lutter contre l’artificialisation des sols.

L’évolution des documents d’urbanisme et plus particulièrement les PLU à l’horizon du 22 aout 2027 contraindra les collectivités à dégager des solutions permettant d’atteindre ces objectifs en 2050.

Toutes ces orientations devront être étudiées mais aussi soumises à concertation

Une concertation citoyenne

La concertation est une étape importante dans une procédure relative à un document d’urbanisme.

Elle est obligatoire lors de l’élaboration ou de la révision d’un SCOT ou d’un PLU. Mais également lors de la modification, de la mise en compatibilité de ces mêmes documents.

D’autres procédures rentrent également dans le champ de la concertation comme la création d’une ZAC ou un projet de renouvellement urbain.[2]

Trop souvent, les élus considèrent la concertation comme une contrainte. La crainte lors de cette démarche de démocratie participative, c’est de voir des opposants se manifester.

Mais, ce moment de rencontre avec la population constitue un moyen privilégié pour préciser et enrichir les projets par la prise en compte des points de vue des citoyens qui y participent.

La concertation montre aussi que les élus n’ont rien à cacher. et Qu’ils exercent leur mandat en toute transparence tout en reconnaissant aux habitants une capacité d’expertise différente de celle portée par les bureaux d’études.

Sa mise en œuvre doit être préparée. Il faut en définir les limites et entreprendre une mobilisation de toutes les parties prenantes. Les collectivités ne doivent pas hésiter à se faire aider par des professionnels de la concertation car c’est un exercice complexe. Ses résultats peuvent être contraires à ceux attendus si d’éventuels écueils n’ont pas été anticipés.

Mais une des principales difficultés, c’est de déterminer quelle forme donner à cette concertation. Est-ce de la simple information ? Est-ce de la consultation ? Est-ce de la « vraie » concertation et la démarche engagée ira-t-elle jusqu’à de la co-production ?

On voit donc bien là les limites de l’exercice. qui Il  devra de toute manière se faire en fonction de la nature et de l’importance de l’opération.

Un projet de collectif dans un quartier ou une opération de ZAC destinée à créer un nouveau morceau de ville ou une révision de Plan Local d’Urbanisme dont le projet urbain impactera le développement d’un territoire sur le moyen terme n’amènera pas la même réponse dans la forme de la concertation.

Elle doit être considérée comme un exercice qui permettra de fournir des idées aux élus de manière à mieux anticiper le devenir de leur territoire

Il faut avoir en tête que dans tous les cas c’est la collectivité qui a le dernier mot quand elle tire, devant le conseil municipal ou communautaire, le bilan de la concertation

Risque d’un manque réel d’audace :

Trop souvent les élus, par manque d’audace, parfois de volonté et par crainte de réactions de leur électorat, se contentent de mette à jour des orientations déjà décidées au cours d’autres procédures.

Pourtant, avec le temps, certaines orientations non encore engagées doivent être réinterrogées à l’aune de l’évolution de leur territoire. D’où l’intérêt de mettre un document d’urbanisme rapidement en révision.

Il est par ailleurs regrettable de constater que le transfert de la compétence PLU aux intercommunalités ne permet pas toujours aux élus communaux d’exprimer leur volonté. Trop souvent la volonté de la « ville centre » impose des orientations qui ne correspondent pas forcément aux désidératas ou aux besoins de tous les élus.

Et pourtant, les territoires périphériques ont aussi un rôle important dans le développement global du regroupement de communes, surtout si l’intercommunalité est grande (c’est maintenant souvent le cas). Leur place est prépondérante si des enjeux de voisinage, non forcément totalement perceptibles au niveau de la « ville centre », sont établis en limites périphériques du territoire intercommunal : grosse agglomération voisine ou impératifs de mobilité multimodale, par exemple.

L’audace est de raisonner de manière durable et tous ensemble, élus de tous les territoires, d’une part, en lien avec les habitants, leurs souhaits et leurs besoins, d’autre part.


[1] Le transfert de la compétence PLU a été prévu par la loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014 en son article 136. Au départ celle-ci prévoyait un transfert automatique de cette compétence à toutes les intercommunalités au 1er janvier 2021, sauf si « au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population s’y opposent ».

[2] Voir les articles L103-2 et L300-2 du code de l’urbanisme

Pour disposer de la version PDF de cet article, cliquez sur le lien ci-dessous  

Eric RAIMONDEAU

Eric RAIMONDEAU

Gérant de l'agence UTOPIES URBAINES

J’ai créé l’agence Utopies Urbainespour partager mon expertise et la transmettre au travers des expériences que j’ai pu acquérir en direction des élus locaux mais aussi  des fonctionnaires des communes ou intercommunalités lors de sessions de la formation continue ou initiale. Ce site veut aussi être un relais pour des offres d’emploi proposées par les collectivités territoriales.

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