La Fabrique de la ville au cœur de la maîtrise d’ouvrage

28/02/18 | Chronique de l’aménagement urbain

La nécessaire maîtrise d’ouvrage dans la fabrique de la ville

Par Eric RAIMONDEAU et Bernard LENSEL, Urbanistes des Territoires. Article publié dans la revue Ingénierie Territoriale n°32 Février 2018.

Les collectivités assurent la maîtrise d’ouvrage[1] de leurs projets d’aménagement quelle qu’en soit la nature. La maîtrise d’œuvre est ensuite souvent confiée à des acteurs extérieurs.  Mais il arrive que les urbanistes des collectivités n’occupent pas la place qui devrait être la leur dans ce processus.

La notion de projet au cœur des politiques d’aménagement :

Toutes les grandes collectivités qu’elles agissent en tant que communes ou organisées en intercommunalités mettent en avant cette notion de projet. C’est avant tout un moyen pour elles de s’engager dans une dynamique de développement et d’afficher leurs ambitions dans une compétition forte entre territoires de toute nature.

Il s’agit souvent de créations ex-nihilo. La démarche peut permettre de créer un quartier neuf sans les contraintes d’un quartier déjà urbanisé comme c’est le cas dans les opérations de rénovation urbaine. Ces opérations souvent lourdes, compte tenu des enjeux politiques qu’elles représentent pour les municipalités, et elles sont également mises en œuvre sous forme de projets d’envergure principalement dans des quartiers sensibles. En général, ces projets sont mis à profit pour engager des requalifications et des restructurations lourdes de leurs espaces publics. Bref il s’agit souvent d’initier un urbanisme pour faciliter le mode vie des habitants. Ces projets visent aussi à améliorer la mixité sociale et fonctionnelle de ces quartiers, voire aussi à tendre à les densifier.

Les élus préfèrent parfois avoir recours soit à des bureaux d’étude privés soit à des Sociétés d’économie mixte (SEM), qui ont connu de nombreuses évolutions juridiques au cours de ces quinze dernières années, dès le stade des études préalables.

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Ils disposent pourtant très souvent en interne de l’expertise et de l’ingénierie technique et urbaine nécessaire pour traduire les orientations politiques et stratégiques qu’ils souhaitent mettre en œuvre, dans le cadre de leur programme politique.

Des services composés d’urbanistes aux profils diversifiés :

Les services urbanisme peuvent devenir alors des ensembliers. La démarche projet nécessite d’assurer des relations partenariales avec les services internes à la collectivité mais aussi avec les services externes.

En ces temps où les collectivités sont mises au pilori pour avoir, au regard de certains, trop embauché : en faisant plus souvent appel à leur expertise interne, cela leur permettrait de faire des économies non négligeables, d’autant que les jeunes urbanistes sont très bien formés et que l’expertise acquise pendant leurs années de master leur permet de répondre aux exigences des élus dans de bonnes conditions.

Reste que le positionnement des agents n’est pas facile à assumer entre les élus et les services extérieurs. Ces partenaires qui souhaitent une relation privilégiée avec les décideurs s’adressent parfois directement à eux  en ignorant tout bonnement les chefs de projets. Et quand ces derniers sont sollicités, ils ont alors, parfois, la désagréable sensation d’être des sortes de « passe -plats » pour transmettre des consignes politiques ou opérationnelles entre les élus et les SEM ou d’autres organismes.    

Un contexte normatif et règlementaire complexe :

Les professionnels de la ville ont donc, en raison de leur formation universitaire de qualité et de leur pratique professionnelle, vocation à exercer en régie la définition même de  ce qui constitue le périmètre  d’une opération (le contenant) ainsi que le programme qu’il conviendra d’y réaliser (le contenu) et les opérateurs qui devront être appelés à les mettre en œuvre.

Le développement urbain connaît en France une expansion vertigineuse depuis le début des années 2000 : La mise en place des intercommunalités et des Métropoles, mais aussi l’augmentation continue des impôts locaux a donné à ces collectivités une force de frappe sans précédent pour répondre aux enjeux majeurs de l’aménagement du territoire dans de multiples domaines qui va du logement au transport en passant par les aménagements d’espaces publics.

Mais l’accumulation des textes législatifs, juridiques et réglementaires[2] depuis le début des années 2000 rend les procédures plus complexes et beaucoup plus longues. Les collectivités ont donc tout intérêt à solliciter leur personnel, car l’une des priorités c’est avant tout d’anticiper tout recours contentieux qui ne pourrait que nuire à la bonne réalisation du projet dans le temps voulu par les élus.

Une réponse par un fonctionnement direct et simplifié :

Un circuit direct entre élus et professionnels maison est gage de simplification, d’économie  permettant de passer sans heurt, grâce à des circuits courts de validation entre les élus et les professionnels de la ville, de la phase de stratégie urbaine à celle de l’opérationnelle.

Une règle du jeu peut alors s’établir entre l’élu et l’urbaniste, où chacun à un rôle précis et bien compris : l’élu fixe le cadre stratégique, l’urbaniste fait des propositions en restant bien dans ce cadre. Puis le Maire ou le Président de l’intercommunalité tranche sur les options à retenir et l’urbaniste passe alors à la phase applicative.

En cas de problème complexe, le recours à une expertise par assistance à la maîtrise d’ouvrage est tout à fait envisageable, mais l’urbaniste territorial doit rester dans son rôle d’ensemblier et de coordinateur.

De plus les projets sont traditionnellement portés sur des durées longues. L’urbaniste territorial semble le mieux à même de par sa connaissance de la respiration du territoire de prendre en compte les évolutions  qui seront les siennes au fil des années. Il est également bien placé pour établir un lien avec de nouveaux élus à l’issue d’élections. Cela s’avère encore plus prégnant lors d’alternances politiques 

Ce fonctionnement nécessite une bonne reconnaissance entre les acteurs du processus de projet urbain, mais il offre aussi de grands atouts, tels que la rapidité de réalisation, du type « circuit court » et une facilitation du retour d’expérience, avec une évaluation nécessaire, directe et objective  des politiques publiques.

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Quartier Bottière Chenaie Nantes

[1]             Le maître de l’ouvrage est la personne morale, mentionnée à l’article premier (de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée), pour laquelle l’ouvrage est construit. Source :

               http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Definitions/Entrees/Maitre-ouvrage.htm

[2]             La première loi qui a rebattu les cartes est la loi SRU de décembre 2000, Mais d’autres textes importants sont venus renforcer l’arsenal juridique à disposition des élus : Loi Engagement national pour le logement, la loi Grenelle,  loi relative à la  mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, loi relative au logement et à un urbanisme rénové etc. etc. Sans oublier les nombreux textes parus sur la période 2012-2017   

Eric RAIMONDEAU

Eric RAIMONDEAU

Gérant de l'agence UTOPIES URBAINES

J’ai créé l’agence Utopies Urbainespour partager mon expertise et la transmettre au travers des expériences que j’ai pu acquérir en direction des élus locaux mais aussi  des fonctionnaires des communes ou intercommunalités lors de sessions de la formation continue ou initiale. Ce site veut aussi être un relais pour des offres d’emploi proposées par les collectivités territoriales.

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