Lors du premier match pour la transition urbaine, dès 1975-1985, les villes moyennes ont su prouver un grand dynamisme, une faible inertie et une grande adaptabilité aux projets. L’antériorité de la dynamisation des villes moyennes est factuelle.
Cet article fait suite à la 20ème Rencontre Franco-Suisse des urbanistes qui s’est tenue à Nyon (VD-CH) le 23 juin 2023.
Par Sonia LAVADINHO, Bernard LENSEL et Ismaël SYLLA Urbanistes des territoires
Dès 1975-1985 qui constitua, à l’époque, la première période pour la transition urbaine, les villes moyennes ont su prouver un grand dynamisme, une faible inertie et une grande adaptabilité aux projets.
L’antériorité de la dynamisation des villes moyennes
Le premier mouvement des villes moyennes a eu pour support le regroupement des communes ; l’Allemagne a eu un net temps d’avance, avec la loi sur le regroupement des communes dès 1975 ; mais certaines villes françaises frontalières françaises ont adopté la même démarche à cette époque.
La valorisation des espaces publics, piétonnisés et arborés, a été une caractéristique marquante de la dynamisation des villes moyennes sur la période 1975-1990 : ainsi, en France, Rouen et Besançon ont ouvert le ban, bientôt suivies par Annecy et Chambéry pour leurs centres historiques : un grand engouement pour la piétonisation des espaces s’en est suivi dans toutes les villes moyennes, en France et en Europe.
A Chambéry, dès 1978, une politique de mise en place de secteurs à priorité piétonne sur des axes principaux a été réalisée avec volontarisme et efficacité ; suite à des accidents mortels, les abords des écoles ont été traités en priorité.
L’action du directeur des Services techniques de l’époque, Michel Deronzier, de 1975 à 2003, en lien étroit avec les décideurs politiques, a été remarquable et clairement affirmée dans le temps. Une action simultanée pour la sécurisation et l’embellissement de la ville a pu ainsi être conduite.
https://rue-avenir.ch/wp-content/uploads/files/resources/RdA-4-2008.pdf
A Sarreguemines, dès 1978 également, le regroupement communal avec Neunkirch, Welferding et Folpersviller était effectué, ainsi que la piétonisation du centre-ville commerçant et l’instruction des permis était prise en charge l’année suivante, en opération pilote, 3 ans avant la Décentralisation.
Plan de toitures Centre-ville de Sarreguemines, Thèse de doctorat, Bernard LENSEL, 1986
Puis il y a eu la création de la liaison par le tram-train avec la ville centrale de Saarbrücken et le Land de Sarre dès 1997.
Tram-Train Sarreguemines-Saarbrücken, photo Ville de Sarreguemines
Le temps des métropoles
Le temps des métropoles a pris le relais dès 1985, avec une prise en charge forte des espaces publics, comme à Lyon, Montpellier et Nantes, et l’affirmation de leur caractère multifonctionnel, voire palimpseste.
L’effet d’échelle a pu créer un handicap pour l’évolution des métropoles ; en revanche, leur puissance dans l’action leur a permis de bénéficier de moyens dont les villes moyennes ne bénéficient pas : l’équipement en transports en commun, une action déterminante sur les espaces publics et des plans de plantations majeurs, des politiques de logement plus complètes, des équipements de santé et universitaires très complets …
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Le tout urbain a fait alors figure de modèle aux dépens des autres territoires, du moins en France, où ce rôle du modèle est devenu souvent prégnant.
Le déséquilibre entre les 3 volets du développement durable, avec un cavalier seul respectif du volet « environnement » et du volet « économie » a donné le lâchage du volet « social » ; cela a pu remettre en cause les équilibres urbains, avec le renvoi des catégories les plus modestes dans des quartiers dédiés, souvent en périphérie de la ville. Ceci a fortement entamé l’image d’un équilibre urbain présupposé de la métropole.
Puis une remise en cause
Ces exclusions spatiales et la crise sanitaire de 2020-2021 ont porté un coup sérieux à l’image des métropoles et favorisé à nouveau le modèle des villes moyennes : certains refusent de reconnaître cette tendance, tandis que d’autres, à l’inverse, parlent de « nouvel eldorado » des villes moyennes.
Avec les différentes crises qui se succèdent – sanitaire, économique, énergétique, climatique – et le besoin impératif d’accélérer la transition urbaine, les Villes moyennes prennent aujourd’hui les devants de la scène pour explorer des réponses innovantes à la fois sur les circuits courts, la nécessaire répartition horizontale de la gouvernance, le développement de la culture pour tous les citoyens et un réel accès aux services pour l’ensemble de la population.
La transition urbaine ne passe pas que par les Métropoles. Les Villes moyennes constituent un maillon indispensable de cette transition et nous avons beaucoup à en apprendre : une démarche de parangonnage entre la Suisse et la France se révèle riche de promesses pour notre futur urbain commun.
Le débat est beaucoup moins vif en Suisse, où la ville moyenne est resté un modèle de référence ; ainsi, la ville de Fribourg et celle de Sion sont des capitales de Cantons, avec respectivement 38 000 habitants et 30 000 habitants, donc bien dans la fourchette des villes moyennes.
Un objectif : la ville à taille humaine
Les villes moyennes sont facilement accessibles au concept de « villes à taille humaine », avec les conditions suivantes : la notion de proximité est très jouable, proximité entre les personnes, proximité avec les services et les commerces, proximité avec la nature. Le temps de déplacement est évidemment moindre que dans les Métropoles et il peut se faire plus facilement à pied.
Le baromètre des villes marchables indique ainsi nombre de villes de tailles petites et moyennes dans son classement de 2021 des villes le plus propices aux piétons, telles que Acigné et Cesson-Sévigné (en proximité de Rennes, en Île et Vilaine), Gradignan (au Sud de l’agglomération de Bordeaux, dans la Gironde), Magny-les-Hameaux et Sceaux (en Région Parisienne).
Le nombre d’informations à intégrer en termes de signalétique et de repères est moindre, leur complexité également !
La ville de Pontevedra, en Galice, au Nord-Ouest de l’Espagne est un des exemples les plus accomplis en Europe d’une démarche de piétonnisation qui concerne tout le noyau de cette cité de 83 000 habitants et qui est complétée par un système de guidage des écoliers et de tous les piétons dans le Centre-ville, le « Metrominuto ».
Pontevedra (Galice, Espagne), photos Bernard LENSEL
Nous pouvons conclure que le retour vers les villes moyennes n’est pas total, mais que le mouvement existe, avec la recherche par une certaine population de plus d’espaces de rencontre, de villes vivables et marchables, avec en ligne de mire la ville du 1/4 d’heure, de villes à taille humaine offrant des espaces de qualité, proposant des ruisseaux de fraîcheur en y (ré)intégrant la dimension de la nature en ville et de la ville perméable. Tous ces ingrédients contribuent à l’essor et à l’attractivité des villes moyennes que nous observons, de manière plus récurrente, depuis la crise sanitaire et que l’on retrouve dans l’équilibre urbain avec ses lignes de désirs, ses espaces palimpsestes dédiés au piéton, combinant transit et séjour, participant d’un meilleur équilibre sociologique et d’un contact plus direct avec la nature.
Le choix se fait en fonction des personnes qui acceptent un niveau de confort un peu moindre et un accès aux services parfois plus ténu généralement que dans les métropoles !
Mis en ligne : Aout 2023
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